• Robert Lamoureux.

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    La Fatigue

     

    Vous me dites, Monsieur, que j'ai mauvaise mine

     Qu'avec cette vie qu' je mène je me ruine

     Que l'on ne gagne rien à trop se prodiguer.

     Vous me dites enfin que je suis fatigué

     

    Oui je suis fatigué, Monsieur, mais je m'en flatte

     J'ai tout de fatigué, le cœur, la voix, la rate

     Je m'endors épuisé je me réveille las

     Mais grâce à Dieu, Monsieur, je ne m'en soucie pas

     

    Et quand j'm'en soucie, je me ridiculise

     La fatigue souvent n'est qu'une vantardise

     On n'est jamais aussi fatigué qu'on le croit

     Et quand cela serait, n'en a-t-on pas le droit ?

     

    Je ne vous parle pas des tristes lassitudes

     Qu'on a lorsque le corps harassé d'habitudes

     N'a plus pour se mouvoir, que de pâles raisons

     Lorsqu'on a fait de soi son unique horizon

     

    Lorsqu'on n'a rien à perdre, à vaincre ou à défendre

     Cette fatigue-là est mauvaise à entendre

     Elle fait le front lourd, l’œil morne, le dos rond

     Et vous donne l'aspect d'un vivant moribond

     

    Mais se sentir plier sous le poids formidable

     Des vies dont un beau jour on s'est fait responsable

     Savoir qu'on a des joies ou des pleurs dans ses mains

     Savoir qu'on est l'outil, qu'on est le lendemain

     

    Savoir qu'on est le chef, savoir qu'on est la source

     Aider une existence à continuer sa course

     Et pour cela se battre à s'en user le cœur

     Cette fatigue-là, Monsieur, c'est du bonheur

     

    Et sûr, qu'à chaque pas à chaque assaut qu'on livre

     On va aider un être à vivre ou à survivre

     Et sûr qu'on est le port et la route et le guet

     Où prendrait-on le droit d'être trop fatigué ?

     

    Ceux qui font de leur vie une belle aventure

     Marquent chaque victoire en creux sur leur figure

     Et quand le malheur vient y mettre un creux de plus

     Parmi tant d'autres creux, il passe inaperçu.

     

    La fatigue, Monsieur, c'est un prix toujours juste

     C'est le prix d'une journée d'efforts et de luttes

     C'est le prix d'un labour, d'un mur ou d'un exploit

     Non pas le prix qu'on paie mais celui qu'on reçoit.

     

    C'est le prix d'un travail, d'une journée remplie

     Et c'est la preuve aussi qu'on vit avec la vie

     

    Quand je rentre la nuit et que ma maison dort

     J'écoute mes sommeils, et là je me sens fort

     Je me sens tout gonflé de mon humble souffrance

     Et ma fatigue alors, c'est une récompense

     

    Et vous me conseillez d'aller me reposer ?

     Mais si j'acceptais là ce que vous proposez,

     Si je m'abandonnais à votre douce intrigue,

     Mais je mourrais Monsieur, tristement ... de Fatigue.

     

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  • Commentaires

    6
    eliane
    Lundi 25 Juin 2012 à 11:39
    eliane

    je ne connaissais pas ce poême ,mais j'ai bcp aimé ce gd Monsieur

    bon dimanche

    Eliane

    5
    Lundi 31 Octobre 2011 à 06:21
    New Dawn

    Un magnifique poème qui renseigne bien sur le caractère volontaire de l'artiste...

    4
    Dimanche 30 Octobre 2011 à 18:34
    Mimi de Bruges

    TIens je ne le connaissais pas aussi poétique, c'est très beau.

    Bonne soirée encore

    3
    Dimanche 30 Octobre 2011 à 10:37
    Martine27

    Un grand monsieur, j'ai trouvé deux petites vidéos de lui et une de Jean Amadou pour demain

    2
    Dimanche 30 Octobre 2011 à 10:32
    jill-bill.over-blog.

    Simplement merci Ountés Passat, j'aime, repose en paix Monsieur Lamoureux !  JB

    1
    Dimanche 30 Octobre 2011 à 09:09
    Nina Padilha

    C'est magistral !
    Merci pour ce partage !
    Bon dimanche !

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